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Lors du Web2day, Marcy Ericka Charollois est venue rappeler la responsabilité des designers, product managers et développeurs dans l’inclusion de tous les utilisateurs.

Pour favoriser l’inclusion, que peuvent faire les acteurs du numérique ? © Jacob Lund – stock.adobe.com

Lors des différentes phases de conception produit, on s’intéresse à la qualité fonctionnelle de l’expérience, à la viabilité économique du projet, à la faisabilité technique, à la réponse à un besoin exprimé par des utilisateurs. Trop souvent, l’inclusion de tous les utilisateurs est remplacée par une prise en compte d’une seule partie d’entre eux : ceux qui sont les plus nombreux, ceux auxquels on pense en premier lieu, ceux qui sont les plus visibles, ceux qui nous ressemblent.

C’est une erreur et un risque, comme l’a très justement souligné Marcy Ericka Charollois, consultante en inclusion dans les expériences numériques. Riche de nombreuses origines, elle a été confrontée dès son plus jeune âge aux remarques racistes de ses camarades de classe. Ces postures déplacées ont continué au début de sa carrière – quand certains ont apprécié le fait que malgré sa couleur de peau, ses cheveux n’étaient pas crépus, car « c’est plus professionnel » – et lors d’échanges en entreprise où les stigmatisations, les raccourcis et les erreurs sont encore bien trop nombreux. Ces expériences déshumanisantes existent aussi dans le numérique, et la sensibilisation des acteurs est nécessaire.

Plongée dans les expériences ratées du numérique

Les concepteurs peuvent avoir tendance à projeter leurs propres besoins, issus de leurs propres pratiques, et imaginer des solutions pour y répondre. Ils font alors des produits pour des utilisateurs qui leur ressemblent. Une fois qu’on parvient à limiter ce phénomène, on passe au niveau 2 en décrivant des personas. Mais ils sont souvent très standardisés. Résultat :

Si vous êtes un homme, blanc, hétéro, sans problème de santé et avec un bon niveau de revenu, la plupart des produits ont d’abord été conçus pour vous.

Si vous ne cochez pas toutes les cases de cette « norme », vous pouvez subir des frictions dans votre usage de services numériques, liées à ces propriétés qui font votre identité. Il existe des cas qui montrent bien l’importance de l’inclusion.

Marcy Ericka Charollois évoque alors les tatouages sur le visage des Maoris (moko). Problème : ceux qui les arborent ne sont pas reconnus comme des humains par les systèmes comme FaceID. Et ils ne sont pas les seuls concernés : d’autres tribus berbères, en Chine et en Afrique de l’Ouest ont également des tatouages sur leurs visages et ne peuvent s’identifier aussi facilement que « ceux qui font partie de la norme ». Autre exemple emblématique des « erreurs » de la technologie : la reconnaissance faciale de Google, qui confondait des Afro-Américains avec des gorilles en 2015. Des expériences très déshumanisantes, qui montrent que même les grands acteurs du numérique peuvent se planter et contribuer à l’exclusion des minorités. Et nous pourrions aussi citer les applications qui proposent des filtres pour « améliorer » l’apparence des utilisateurs et qui, bien souvent, intègrent des procédés blanchissants.

Rappelons-nous aussi que les mots ont un sens : dans la terminologie que nous utilisons au quotidien, nous avons tous un rôle à jouer.

Les développeurs peuvent ainsi proscrire les mots master/slave (maître/esclave) pour définir leurs architectures. Idem pour blacklist. Dans un autre registre, dans les équipes scrum, le terme backlog grooming peut également être remplacé par backlog refinement par exemple. Encore utilisé dans le monde informatique francophone, le terme grooming peut pourtant être compris par des anglophones par « la sollicitation d’enfants à des fins sexuelles ». Cet exemple est assez révélateur : il montre qu’un individu qui ne prend pas en compte l’ensemble des usages peut totalement passer à côté de quelque chose et heurter d’autres personnes.

Comment créer des expériences inclusives

Au-delà de la redéfinition de certains termes et la prise en compte du plus grand nombre possible de cas d’usage, que pouvons-nous faire, à notre niveau ? Marcy Ericka Charollois conseille d’interroger notre usage des emojis, des photos et des images dans les interfaces. Privilégiez les emojis neutres ou utilisez plusieurs rangs de couleurs dans votre application. Choisissez des photos qui explorent la variété des individus. Aussi : renseignez-vous sur les perceptions locales. Dans un certain cadre, le blanc peut être assimilé à des valeurs positives. En Inde et dans d’autres pays, c’est la couleur de la mort. En France, le violet peut être associé à la royauté, à la richesse ; au Brésil, il correspond aussi à la mort.

La gestion des identités est également un point intéressant. Vos utilisateurs peuvent avoir des noms très longs et des noms très courts – rappelez-vous de Cédric O : êtes-vous vraiment sûrs de vouloir contraindre vos utilisateurs à des noms de minimum 3 lettres ? Les noms peuvent comporter de nombreux caractères spéciaux – et même simplement des accents, souvent gommés, à tort, par l’usage des majuscules en informatique.

Mais aussi : certaines personnes n’ont tout simplement pas de prénom. Est-ce que vos formulaires prennent en charge l’ensemble de ces cas ? C’est évidemment essentiel dans l’administration, mais également sur vos produits. D’autres critères peuvent être pris en compte, notamment dans le cadre d’une adaptation globale des sites à l’international. Le sens de lecture peut varier, avec un impact très fort sur les interfaces. Penser son produit pour l’ensemble des utilisateurs peut ainsi pousser les concepteurs à opter pour des interfaces fluides et très différentes en fonction des accès.

En conclusion : diffusez l’importance de l’inclusion auprès de l’ensemble des parties prenantes concernées par la conception de vos interfaces : designers, développeurs, product managers, décideurs, rédacteurs, illustrateurs… Le responsive et l’ajout de balises ALT, c’était un premier pas : les acteurs du numérique peuvent désormais porter d’autres responsabilités pour maximiser l’impact positif de leurs produits.

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